Abstract
CONTEXTE: Les patients sous dialyse à long terme pourraient avoir un risque accru d’infection par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2), et de maladie et de mortalité associées. Nous avons voulu décrire l’incidence, les facteurs de risque et les issues de l’infection chez ces patients en Ontario (Canada).
MÉTHODES: Nous avons utilisé des ensembles de données reliées pour comparer les caractéristiques de la maladie et la mortalité chez les patients sous dialyse à long terme en Ontario qui ont testé positif pour le SRAS-CoV-2 et ceux qui n’ont pas développé d’infection, entre le 12 mars et le 20 août 2020. Nous avons recueilli des données sur l’infection par le SRAS-CoV-2 de manière prospective. Nous avons évalué les facteurs de risque d’infection et de mortalité par des analyses de régression logistique multivariées.
RÉSULTATS: Pendant la période à l’étude, 187 patients dialysés sur 12 501 (1,5 %) ont reçu un diagnostic d’infection par le SRAS-CoV-2. Parmi eux, 117 (62,6 %) ont été hospitalisés, et le taux de mortalité était de 28,3 %. Les facteurs prédictifs significatifs associés à l’infection incluaient l’hémodialyse dans un centre plutôt que la dialyse à domicile (rapport de cotes [RC] 2,54; intervalle de confiance [IC] à 95 % 1,59–4,05), le fait de vivre dans un établissement de soins de longue durée (RC 7,67; IC à 95 % 5,30–11,11), le fait d’habiter la région du Grand Toronto (RC 3,27; IC à 95 % 2,21–4,80), les ethnicités Noire (RC 3,05; IC à 95 % 1,95–4,77), du sous-continent indien (RC 1,70; IC à 95 % 1,02–2,81) et autres non blanches (RC 2,03; IC à 95 % 1,38–2,97) et les quintiles de revenu inférieurs (RC 1,82; IC à 95 % 1,15–2,89).
INTERPRÉTATION: Les patients sous dialyse à long terme sont exposés à un risque accru d’infection par le SRAS-CoV-2 et de mortalité due à la maladie à coronavirus 2019. Il faudra travailler à éliminer les facteurs de risque d’infection et vacciner ces patients en priorité.
En date du 20 août 2020, en Ontario, la province la plus populeuse du Canada, près de 41 000 personnes avaient reçu un résultat positif au test de dépistage du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2), le virus responsable de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19)1, ce qui représentait 0,3 % de la population provinciale. Près de 2800 de ces personnes en sont décédées, ce qui correspond à un taux de létalité de 6,8 %2.
Les patients sous dialyse ont des taux élevés de comorbidités; ce sont souvent des adultes âgés présentant divers degrés d’immunosuppression, et ils sont plus susceptibles de vivre dans des établissements de soins de longue durée, ce qui les expose à un risque de contracter le SRAS-CoV-2 et de développer des complications3,4. En outre, en Ontario, les patients sous hémodialyse dans des centres spécialisés sont généralement traités 3 fois par semaine dans des unités externes situées dans des hôpitaux ou affiliées à des hôpitaux. Ils sont donc incapables de s’isoler complètement, ce qui accroît davantage leur risque d’infection par le SRAS-CoV-23,4. De récentes études appuient cette observation, sans toutefois comparer les taux d’infection à ceux de la population locale de patients non dyalisés5–10. Plusieurs études ont fait état des cas d’infection par le SRAS-CoV-2 dans des études de cohortes de patients dialysés menées dans un ou plusieurs centres5–10, mais à notre connaissance, aucune n’a mis en évidence des facteurs de risque d’infection à l’échelle d’un territoire de grande taille. Quelques études ont conclu que les patients dialysés qui ont contracté une infection par le SRAS-CoV-2 couraient un risque accru de maladie grave et de décès6–10.
Méthodes
Contexte de l’étude
L’Ontario compte environ 14,5 millions d’habitants. Plus de 12 000 personnes sont sous dialyse à long terme, et environ 74 % d’entre elles reçoivent leur traitement d’hémodialyse dans un centre, contre 26 % qui sont sous dialyse à domicile, ce qui inclut la dialyse péritonéale (21 %) et l’hémodialyse (5 %). En Ontario, la dialyse est entièrement et exclusivement prise en charge par le gouvernement provincial, à l’enseigne du Réseau rénal de l’Ontario (RRO), une agence provinciale qui subventionne et gère les services aux patients atteints d’insuffisance rénale chronique par l’intermédiaire de 27 programmes qui fournissent des services de dialyse à domicile et gèrent plus de 100 unités d’hémodialyse dans des centres11. Ces centres varient en taille, de 3 à 60 unités d’hémodialyse. Pour comprendre l’incidence du SRAS-CoV-2 sur les patients sous dialyse à long terme, le RRO a mis sur pied un outil de collecte de données de surveillance hebdomadaire pour recueillir des renseignements essentiels sur la trajectoire de la maladie durant la pandémie. Notre objectif était de décrire l’incidence, les issues et les facteurs de risque associés à l’infection par le SRAS-CoV-2 dans cette population de patients et d’en mesurer les issues, y compris la mortalité.
Les pratiques ont changé progressivement dans les unités de dialyse en Ontario entre mars et août 2020, en raison de la disponibilité croissante de l’équipement de protection individuelle (EPI), du port du masque universel, de l’accès accru aux tests de dépistage du SRAS-CoV-2 et au dépistage des patients avant leur entrée à l’unité d’hémodialyse. Pendant cette période, il était fréquent, surtout dans les grands centres urbains, que le personnel travaille dans plus d’une unité.
Population étudiée
Nous avons inclus tous les patients déjà sous dialyse à long terme inscrits au Système de signalement des maladies rénales en Ontario (SSMRO) en date du 31 mars 2020, et tous les nouveaux patients qui ont commencé une dialyse à long terme inscrits au SSMRO entre le 1er avril et le 20 août 2020. Aux fins de la présente étude, les patients sous dialyse à long terme étaient ceux qui étaient inscrits à un programme rénal et qui bénéficiaient de services de dialyse réguliers, même si la dialyse avait commencé moins de 30 jours auparavant. Nous avons exclu les patients de nos analyses s’il a été impossible de trouver dans le SSMRO leur numéro de carte Santé, leur code postal, leur âge ou leur sexe, s’ils n’étaient pas résidents de l’Ontario ou s’ils avaient moins de 18 ans (figure 1).
Nous avons considéré comme étant infectés par le SRAS-CoV-2 les patients qui avaient obtenu un résultat positif à un test conforme aux lignes directrices de dépistage du gouvernement de l’Ontario, qui exigent une confirmation de l’infection par un laboratoire avec épreuve validée incluant un test d’amplification des acides nucléiques positif pour au moins une des cibles spécifiques du génome12. Dans les cas où un résultat négatif a été obtenu à la reprise du test sur le même prélèvement ou sur un prélèvement subséquent au cours de la même période de 24 heures, nous n’avons pas considéré que le patient était positif. La plupart des tests ont été effectués chez des patients symptomatiques ou chez qui on soupçonnait une exposition à des personnes infectées. Une étude de prévalence ponctuelle à l’échelle de la province sur les patients hémodialysés effectuée par le RRO en juin 2020 a permis de détecter un très petit nombre de cas positifs asymptomatiques.
Sources des données
Un outil manuel de collecte des données a été mis au point pour recueillir les renseignements requis sur les patients dont le test de dépistage du SRAS-CoV-2 était positif qui étaient sous dialyse à long terme dans une unité en Ontario: nom, numéro de carte Santé, lieu de résidence du patient (type), nom de l’établissement, statut d’hospitalisation, mode de dialyse, soins intensifs ou non, ventilation mécanique ou non, et patient avec infection active par le SRAS-CoV-2, rétabli ou décédé. Nous avons inclus dans la cohorte les décès survenus dans les 4 semaines suivant le 20 août 2020. Nous avons aussi recueilli des renseignements médicaux personnels pouvant être reliés à d’autres ensembles de données.
Les données ont été recueillies de manière prospective à partir de la deuxième semaine de mars 2020, lorsque le premier patient sous dialyse à long terme atteint d’une infection au SRAS-CoV-2 a été diagnostiqué. Le 9 avril 2020, tous les programmes rénaux ont commencé à soumettre des données sur une base hebdomadaire sur tous les patients positifs au dépistage du SRAS-CoV-2. Ces rapports hebdomadaires faisaient état des nouveaux cas et du statut des cas actifs. Même si tous les patients n’ont pas été contactés chaque semaine, nous avons considéré les données complètes parce que les programmes étaient en contact étroit et régulier avec tous les patients sous dialyse dans un centre ou à domicile. Les données ont été recueillies et soumises par un responsable chevronné désigné pour chaque programme. Avant le premier envoi de données, nous avons tenu des webinaires de formation enseignant à tous les responsables comment utiliser l’outil de collecte des données. Nous avons par la suite effectué une vérification croisée des données sur les hospitalisations de la Base de données sur les congés des patients de l’Institut canadien d’information sur la santé (BDCP-ICIS), et nous n’avons relevé qu’un seul cas discordant.
Nous avons ensuite relié 7 jeux de données utilisant les identifiants de patients uniques encodés et les codes postaux. Il s’agissait de l’outil de collecte des données sur la COVID-19 du RRO; du SSMRO, qui recense tous les patients traités pour insuffisance rénale avancée et sous dialyse en Ontario; de la Base de données sur les personnes inscrites (BDPI), qui contient des données démographiques sur les résidents de l’Ontario; du Fichier de conversion des codes postaux (FCCP) (Statistique Canada), qui relie les codes postaux aux régions géographiques normalisées; du tableau de concordance des régions des Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS), qui associe les codes postaux aux régions sociosanitaires de l’Ontario; de la BDCP-ICIS, qui renferme les renseignements sur le diagnostic au moment de l’hospitalisation des résidents de l’Ontario; et du Régime d’assurance-santé de l’Ontario (RASO), où l’on trouve tous les dossiers de réclamations de l’assurance-santé pour les actes médicaux.
Nous avons extrait de la BDPI les données démographiques sur le sexe et l’âge des patients. L’information sur l’ethnicité présentée dans le SSMRO a été recueillie par les responsables de données de chaque programme au moment de l’inscription des patients, à partir des dossiers préparés par le personnel clinique qui pouvait demander aux patients à quelle origine ethnique ils s’identifiaient, au besoin, mais sans obligation. Nous avons relié les codes postaux aux données de Statistique Canada sur le Recensement de 2011 et du tableau de concordance des RLISS pour déterminer les quintiles de revenus des quartiers et la localisation géographique, respectivement. Nous avons extrait le plus récent mode de dialyse du SSMRO, et nous avons déterminé le statut de résident dans un établissement de soins de longue durée à partir des codes de facturation de la base de données du RASO qui indiquent les actes médicaux pour les soins de longue durée (code « W ») pour la période de 6 mois précédant la date du dernier acte médical posé au cours de l’année fiscale. Nous avons recensé les antécédents de transplantation et les comorbidités au moyen des codes de Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10e révision, dans les bases de données du RASO et de la BDCP-ICIS. Nous avons considéré que les patients étaient atteints d’une maladie cardiaque lorsqu’ils avaient des antécédents d’infarctus du myocarde ou d’insuffisance cardiaque congestive, selon les codes diagnostiques pertinents inscrits dans les dossiers de congé hospitaliers (BDCP-ICIS). Chaque maladie chronique a été définie sur la base de 5 années de données rétrospectives à partir de la date du dépistage du SRAS-CoV-2.
Analyse statistique
Nous avons comparé l’évolution de la courbe des cas à celle de la population générale de l’Ontario. Nous avons aussi comparé les caractéristiques des patients sous dialyse ayant reçu un résultat positif au test de dépistage du SRAS-CoV-2 et à ceux ayant reçu un résultat négatif en analysant les données pour la période à l’étude (du 12 mars au 20 août 2020). Nous avons calculé la fréquence (en pourcentage) pour les variables discrètes, et la moyenne et l’écart-type (É.-T.) ou la médiane et d’intervalle interquartiles (IIQ) pour les variables continues. Nous avons utilisé les différences standardisées pour les comparaisons univariées entre les patients ayant un diagnostic d’infection par le SRAS-CoV-2 et les patients sans diagnostic. Nous avons jugé significative toute différence standardisée supérieure à 10 %13.
Pour explorer les facteurs de risque associés à l’infection par le SRAS-CoV-2, nous avons inclus toutes les variables de référence dans un modèle de régression logistique multivarié. Nous avons utilisé le facteur d’inflation de la variance pour mesurer la multicolinéarité, et établi qu’une valeur égale ou supérieure à 10 était un indicateur puissant de multicolinéarité. Avec ce seuil, nous n’avons pas qu’il y avait multicolinéarité. Nous avons utilisé le logiciel statistique SAS pour effectuer l’analyse multivariée et établir le seuil de signification statistique à p < 0,05 (bilatéral).
Analyse de données additionnelles
La collecte des données sur les patients dialysés en Ontario, non incluses dans l’analyse décrite ci-dessus, s’est poursuivie après le 20 août 2020. Nous avons calculé un taux d’infection ajusté qui inclut la période allant jusqu’au 21 janvier 2021.
Approbation éthique
La collecte des données a été conduite dans le respect de l’autorité législative de Santé Ontario en vertu de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario.
Résultats
Le pic d’infection a coïncidé pour les nouveaux cas dans la population générale et la population des patients dialysés, mais la baisse des nouveaux cas est survenue plus rapidement chez les patients dialysés que dans la population générale (figure 2)2. Nous avons observé que le nombre de nouvelles infections diagnostiquées chez des patients sous dialyse à long terme avait augmenté du 12 mars, jour de la détection du premier cas, au 23 avril 2020, date correspondant au pic d’infection (33 cas par semaine). Par la suite, le nombre de nouveaux cas a connu une baisse régulière. En date du 20 août 2020, la moyenne sur 12 semaines était d’un peu plus de 1 nouveau cas par semaine (figure 2), et un total de 187 patients, soit 1,5 % de la population dialysée totale, avaient reçu un diagnostic de SRAS-CoV-2.
Près de 80 % des cas chez les patients dialysés ont été enregistrés dans 8 des 27 programmes rénaux, et une « éclosion » a été déclarée dans 6 d’entre eux (définie par 3 cas ou plus dans une même unité en une semaine). Sept programmes n’ont enregistré aucun cas.
Parmi les patients dialysés, 187 ont eu un diagnostic d’infection au SRAS-CoV-2 et 12 314 ont eu un résultat négatif au test de dépistage. Nous n’avons pas classé comme positifs 7 cas pour lesquels des résultats discordants ont été enregistrés sur une période de 24 heures, et qui, selon l’avis clinique, étaient des faux positifs. L’âge médian des patients infectés était de 68 ans et 61,5 % étaient de sexe masculin (tableau 1). En ce qui concerne le mode de dialyse, 88,8 % des patients infectés étaient traités par hémodialyse dans un centre, contre 74,4 % des patients non infectés (différence standardisée = 40 %). Au total, 1,8 % de la population hémodialysée dans des centres en Ontario a reçu un diagnostic d’infection, contre 0,3 % des patients sous hémodialyse à domicile et 0,8 % des patients sous dialyse péritonéale.
Une proportion plus grande de patients ayant reçu un résultat positif au dépistage du SRAS-CoV-2 résidaient dans des établissements de soins de longue durée, étaient d’ethnicités Noire, du sous-continent indien ou autres non blanches, vivaient dans la région du Grand Toronto et avaient un revenu qui se situaient dans les 2 quintiles inférieurs (tableau 1 et annexe 1, tableau 1 supplémentaire, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202601/tab-related-content).
Facteurs prédictifs de l’infection par le SRAS-CoV-2 et de la mortalité
Les résultats de notre analyse multivariée ont mis en évidence les facteurs prédictifs indépendants suivants de l’infection par SRAS-CoV-2 chez les patients dialysés: hémodialyse dans un centre, résidence en CHSLD, région du Grand Toronto, ethnicités Noire, du sous-continent indien et autres non blanches, quintiles de revenu inférieurs. L’âge, le diabète et les autres comorbidités n’étaient pas des facteurs prédictifs (figure 3 et annexe 1, tableau supplémentaire 1).
Parmi les 187 patients atteints d’une infection par SRAS-CoV-2, 53 (28,3 %) sont décédés et 117 (62,6 %) ont été hospitalisés (37 [19,8 %] ont été admis dans une unité de soins intensifs et 28 [15 %] ont eu besoin de ventilation mécanique). Pendant la même période, les patients non infectés ont présenté un taux de mortalité de 5,8 % et un taux d’hospitalisation de 27 %. Chez les patients atteints d’une infection par le SRAS-CoV-2, notre analyse multivariée a montré que seul l’âge avancé était un facteur prédictif de mortalité.
Données additionnelles
Du 21 août 2020 au 21 janvier 2021, 386 autres patients dialysés à long terme ont reçu un diagnostic d’infection par le SRAS-CoV-2. En tout, 573 patients ont contracté le SRAS-CoV-2, ce qui correspond à 4,2 % de la population dialysée totale traitée entre le 12 mars 2020 et le 21 janvier 2021 en Ontario.
Interprétation
En Ontario, 1,5 % de la population dialysée à long terme a reçu un diagnostic d’infection par le SRAS-CoV-2 au cours des 5 premiers mois de la pandémie en 2020. Parmi ces patients, 62,6 % ont été hospitalisés, 19,8 % ont été transférés aux soins intensifs et 28,3 % sont décédés. Les taux d’infection étaient moins élevés chez les patients dialysés à domicile que chez les patients sous hémodialyse dans des centres. Les autres facteurs de risque d’infection étaient le fait de vivre dans la région du Grand Toronto, d’habiter en CHSLD, d’être d’ethnicités Noire, du sous-continent indien ou autres non blanches et d’avoir un revenu inférieur.
Le taux d’infection par le SRAS-CoV-2 chez les patients dialysés en Ontario (1,5 %) est inférieur à celui observé au Royaume-Uni, où plus de 8 % des patients dialysés ont été infectés15, mais plus élevé que les 0,2 % enregistrés en Colombie-Britannique pour la même période (Dre Adeera Levin, British Columbia Provincial Renal Association, communication personnelle, 2020). Nous avons résumé les données sur l’incidence et la mortalité pour les patients dialysés dans 11 pays à l’annexe 2, tableau supplémentaire 2, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202601/tab-related-content5–8,10,15,17–19. Les taux d’infection par le SRAS-CoV-2 dans les populations dialysées dépendent probablement en partie des taux enregistrés dans la population générale. Toutefois, le taux de 1,5 % dans la population dialysée en Ontario est plus de 5 fois supérieur à celui enregistré dans l’ensemble de la population ontarienne pendant la même période2. Nous avons observé que le fait de vivre en CHSLD était un facteur prédictif significatif d’infection, puisque plus de 25 % de tous les cas sont survenus dans ce type de milieu, ce qui concorde avec les observations concernant la population générale de l’Ontario et les populations dialysées ailleurs2,20,21. Nous avons aussi constaté que les taux d’infection étaient 2,5 fois plus élevés chez les patients hémodialysés dans des centres que chez les patients dialysés à domicile; un risque excédentaire similaire a été rapporté au Royaume-Uni9,15,22. Les patients qui doivent se rendre régulièrement dans des unités de dialyse sont potentiellement exposés au virus, comme le suggère notre observation de multiples cas simultanés dans 6 centres.
Bien que seulement 41 % des patients dialysés en Ontario soient d’ethnicités non blanches, 67 % des cas d’infection par le SRAS-CoV-2 sont survenus dans ce groupe. Nous avons aussi observé un taux d’infection plus élevé chez les patients s’identifiant comme Noirs ou du sous-continent indien, un lien qui n’a pas été observé au Royaume-Uni10. Cette observation était indépendante d’un diagnostic de diabète et du statut socioéconomique et pourrait être un reflet de facteurs connexes, tels que des milieux de vie à forte densité et multigénérationnels et des inégalités structurelles bien reconnues en lien avec les disparités liées aux soins de santé qui affectent ces populations23,24.
Notre étude avait plusieurs forces. Nos données sont issues d’une population de plus de 14 millions d’habitants, dont plus de 12 000 patients sous dialyse à long terme. Le fait que les services de dialyse et les soins de courte durée soient fournis par le régime public dans les hôpitaux ontariens nous a permis de présenter un rapport fiable sur la population entière des patients sous dialyse à long terme. Comme nous avons commencé notre collecte de données standardisée de façon prospective dès le début de la pandémie en 2020, nous avons pu effectuer une analyse détaillée de toutes les infections diagnostiquées. Les rapports de cas hebdomadaires ont aussi permis de mesurer avec précision l’incidence et les issues de la maladie au fil du temps.
Limites de l’étude
Les taux d’infection plus élevés chez les patients sous dialyse pourraient être dus en partie à un accès plus facile au dépistage du SRAS-CoV-2. De même, le fait que le taux d’infection soit plus élevé chez les personnes dialysées dans des centres qu’à domicile pourrait être dû en partie à un accès plus facile au dépistage, compte tenu des contacts réguliers en personne des patients avec le personnel médical et de leur participation à des programmes de surveillance, même en l’absence de symptômes. Cela dit, la plupart des patients chez qui le virus SRAS-CoV-2 a été détecté étaient symptomatiques. Un dépistage de surveillance a été mis en place dans certaines unités d’hémodialyse ayant connu des éclosions, et un dépistage systématique a été effectué une fois en juin 2020 à l’échelle de la province, mais seul un petit nombre de cas positifs asymptomatiques ont été détectés. Par ailleurs, les épreuves sérologiques à grande échelle n’étaient pas suffisamment accessibles ou fiables pour nous permettre de valider nos résultats. Enfin, nous n’avions pas accès aux données sur certains facteurs de risque potentiels, tels que la profession, la densité des ménages, la présence de maladies respiratoires et le poids corporel.
Conclusion
Les patients sous dialyse en Ontario qui ont reçu un diagnostic d’infection par le SRAS-CoV-2 ont présenté un taux de létalité près de 4 fois plus élevé que celui de la population ontarienne générale pour la même période. Par conséquent, pour toute la durée de la pandémie de COVID-19, l’application de mesures ciblées s’impose pour protéger cette population contre l’infection, y compris en priorisant les patients dialysés à long terme et le personnel soignant dans la planification de la vaccination contre le SRAS-CoV-2. Outre les précautions habituelles, les stratégies de prévention devraient inclure la sensibilisation des patients à leurs facteurs de risque personnels, soit des taux d’infection et de mortalité accrus. Il faudrait offrir des congés payés aux patients s’ils travaillent dans des milieux à risque. D’autres stratégies pourraient inclure un seuil d’intensité de symptômes plus bas pour procéder aux tests, une augmentation de l’espace entre les postes de traitement dans les unités d’hémodialyse, des mesures de protection universelles contre la transmission par gouttelettes, et un dépistage de surveillance régulier chez les groupes à risque élevé, comme les résidents des CHSLD. Il serait également avantageux d’encourager davantage la dialyse à domicile chez les patients qui y sont candidats en raison du risque moindre de contamination, et des stratégies visant à offrir la dialyse sur place dans les CHSLD sont en cours d’élaboration.
Remerciements
Les auteurs remercient les programmes rénaux régionaux de l’Ontario et tous les gens qui soumettent leurs données chaque semaine, car ils contribuent ainsi au bien-être des personnes atteintes de maladies rénales.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202601
Intérêts concurrents: Leena Taji, Doneal Thomas, Jane Ip, Yiwen Tang, Angie Yeung et Rebecca Cooper sont des employés salariés du Réseau rénal de l’Ontario (Santé Ontario). Matthew Oliver est propriétaire d’Oliver Medical Management Inc., qui distribue sous licence des logiciels d’analyse pour la gestion de la dialyse et la préparation de rapports. Il a reçu des honoraires à titre de conférencier de Baxter Healthcare et a participé à des comités consultatifs pour Janssen et Amgen. Peter Blake a reçu des honoraires de Baxter Global pour des conférences. Andrew House a reçu des honoraires de Baxter pour des conférences. Phil McFarlane a reçu des honoraires à titre de consultant ou de conférencier d’Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, BMS, Boehringer-Ingelheim, GSK, Janssen, Lilly, Novartis, Otsuka, Sanofi-Aventis, Servier et Vifor. Il a aussi reçu des subventions de recherche d’Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, Boehringer-Ingelheim et Otsuka. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Leena Taji a rédigé la première version et supervisé la collecte des données sur le SRAS-CoV-2 provenant des programmes rénaux. Angie Yeung a collaboré à la rédaction de la version initiale et à la coordination de l’analyse des données. Doneal Thomas, Jane Ip et Yiwen Tang ont effectué l’analyse statistique. Peter Blake a révisé le manuscrit. Matthew Oliver, Phil McFarlane et Andrew House ont collaboré à la conception de l’article. Phil McFarlane, Andrew House, Rebecca Cooper et Peter Blake ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important du manuscrit. Tous les auteurs ont donné leur approbation finale pour la version soumise pour publication et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Les auteurs n’ont reçu aucun soutien financier pour la recherche, la rédaction et/ou la publication de cet article, excepté en tant qu’employés du Réseau rénal de l’Ontario.
Partage des données: Santé Ontario ne peut pas rendre publiques les données utilisées pour cette étude si elles incluent des renseignements médicaux et/ou personnels potentiellement identifiables, selon la définition de la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé de l’Ontario et de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Des données suffisamment anonymisées pour être rendues publiques pourraient être fournies sur demande.
Sources des données: Les auteurs attestent que les données utilisées pour la présente publication proviennent du Système de signalement des maladies rénales de l’Ontario et de l’outil de collecte de données sur les cas de COVID-19 du RRO (Santé Ontario).
Déclaration d’intérêts: Cette étude a bénéficié du soutien de l’IRSS, qui reçoit une subvention annuelle du ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) de l’Ontario. Les opinions, résultats et conclusions présentés dans cet article n’engagent que ses auteurs et sont indépendants des sources de financement. Aucun appui de la part de l’ICES ou du MSSLD de l’Ontario n’est sous-entendu ni ne devrait être inféré.
Des éléments de cet article sont basés sur les données et les renseignements fournis par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS). Toutefois, les analyses, les conclusions, les opinions et les énoncés exprimés aux présentes n’engagent que les auteurs et non l’ICIS.
Sources: Analyse des quintiles de revenu des quartiers, adapté du Fichier de conversion des codes postauxMO et/ou du Fichier des codes postauxMO par circonscriptions électorales fédérales et/ou du Fichier de conversion des codes postauxMO plus (novembre 2018), bâtis à partir des données autorisées de la Société canadienne des postes. Santé Ontario détient une licence d’utilisation pour ces données, dont les modalités sont décrites au dernier paragraphe de la rubrique Source des données de la section Méthodes.
- Accepted January 18, 2021.
Il s’agit d’un article en libre accès distribué conformément aux modalités de la licence Creative Commons Attributions (CC BY-NC-ND 4.0), qui permet l’utilisation, la diffusion et la reproduction dans tout médium à la condition que la publication originale soit adéquatement citée, que l’utilisation se fasse à des fins non commerciales (c.-à-d. recherche ou formation) et qu’aucune modification ni adaptation n’y soit apportée. Voir: https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr