CO073
Efficacité du Tocilizumab dans la COVID-19 modérée à sévère : une cohorte française exposé-non exposé

https://doi.org/10.1016/j.revmed.2021.03.234Get rights and content

Introduction

L’infection par le SARS-CoV-2 peut mener à un syndrome de détresse respiratoire aigu dont la mortalité était estimée à 50 % au début de l’épidémie. Ces formes sévères étant significativement associées à un état d’hyperinflammation, et notamment à un niveau élevé d’interleukine-6, il a été proposé que cibler la voie de signalisation de cette interleukine majoritairement pro-inflammatoire, puisse réduire la mortalité de la COVID-19. Pour autant, un an après le début de la pandémie, la place de ces inhibiteurs, dont le Tocilizumab, un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’interleuline-6, reste à déterminer.

Patients et méthodes

Cohorte exposé-non exposé en vie réelle, monocentrique et menée à l’hôpital Saint-Antoine, Paris, France, avant la mise en place de l’essai randomisé CORIMUNO-TOCI. Etaient inclus les patients de plus de 18 ans qui présentaient une forme modérée à sévère de COVID-19, selon la définition de l’OMS, et qui nécessitaient une oxygéno-requerance ≥ 4 L/min, associée à un syndrome inflammatoire biologique (CRP > 50 mg/L). Etaient exclus les patients qui portaient des contre-indications au Tocilizumab (antécédent de sigmoïdite ou de diverticulite, une cytolyse hépatique supérieure à 5 N, une allergie connue au Tocilizumab, ou une infection bactérienne active.) Par ailleurs, les patients qui étaient transférés en soins intensifs dans les premières 24 h après l’injection de Tocilizumab étaient exclus de notre étude, puisque ils étaient inclus dans une étude qui évaluait le Tocilizumab en réanimation. Les patients du groupe Tocilizumab recevaient une injection de 8 mg/kg (maximum 800 mg) de Tocilizumab associée aux soins courants et les patients du groupe soins courants ne recevaient que les soins courants. Pour assurer la comparabilité des deux groupes nous avons utilisé le score de propension. Notre critère de jugement principal était le délai de sevrage en oxygène. Les critères de jugement secondaire étaient : le transfert en soins intensifs, le besoin de ventilation mécanique, le décès toutes causes confondues, le décès au dixie jour, la durée d’hospitalisation ainsi que les scores composites intubation ou décès et transfert en soins intensifs ou décès.

Résultats

Cinquante patients ont été inclus dans le groupe Tocilizumab et 52 patients dans le groupe soins courants. L’âge moyen était de 68,9 ± 2 ans et 71 % des patients étaient des hommes. Les patients du groupe Tocilizumab étaient plus fréquemment diabétique (34 % vs 13 % ; p = 0,02), et avaient un niveau d’oxygène moyen plus élevé (9,1 L/min vs 6,8 L/min ; p = 0,0002). Les patients du groupe Tocilizumab avaient reçu plus de corticoïdes que les patients du groupe soins courants (53 % vs 6 % ; p < 0,0001). Le délai de sevrage en oxygène n’était pas diffèrent dans les deux groupes, 14,1 [IQR 7-19] jours dans le groupe Tocilizumab versus 12,2 [IQR 7,5-14] jours dans le groupe soins courants, hazard ratio ajusté à 1,53 (IC95 % (0,96-2,45) ; p = 0,073). Il n’y avait pas non plus de différence concernant les critères de jugement secondaires.

Discussion

Dans cet essai, nous rapportons une absence de bénéfice du Tocilizumab dans les formes modérées à sévères de la COVID-19. L’injection de Tocilizumab à la posologie de 8 mg/kg n’améliorait pas le délai de sevrage en oxygène, et ne réduisait pas la nécessité d’intubation, de transfert en soins intensifs ou la mortalité. Cette absence de différence peut être expliquée, en partie, par le fait que les patients du groupe Tocilizumab étaient plus graves (oxygéno-requerance plus élevée) et comorbides (plus fréquemment diabétiques). En revanche, ces patients avaient reçu plus de corticoides qui est aujourd’hui un traitement recommandé dans la prise en charge des patients sous oxygène, atteints de la COVID-19. Notre étude manque aussi de puissance, une récente méta-analyse estimait à 2300 patients (dans chaque bras) le nombre de sujet nécessaire pour mettre en évidence une différence significative si celle-ci existait.

Conclusion

Un essai randomisé récent qui incluait un nombre de sujet suffisant, en cours de publication, a montré des résultats encourageants, avec une diminution de la mortalité à 28 jours chez les patients traités par Tocilizumab (majoritairement en associations au corticoïdes). Toutefois la question du meilleur moment de l’injection de Tocilizumab chez les patients atteints de COVID-19 reste entière.

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